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jean ziska.

massacrer leurs moines, et à jeter leurs prêtres dans la poix ardente.

De là Ziska marcha vers la montagne de Cuttemberg, dans le Bœhmer-Wald. C’est là que les années précédentes, et récemment encore, les ouvriers des mines, qui étaient presque tous Allemands et du parti de l’empereur[1], avaient persécuté les Taborites. Ils se les achetaient les uns aux autres pour avoir le plaisir de les tuer. On donnait cinq florins pour un prêtre, et un florin pour un séculier. On en avait jeté dix-sept cents dans la première mine, treize cents dans la seconde, et autant dans la troisième. « C’est pourquoi, dit un historien, on a toujours célébré l’office des martyrs en ce lieu, le 8 avril, sans que personne ait pu l’empêcher, jusqu’en 1621. »

En apprenant l’approche du vengeur, ceux de Cuttemberg allèrent au-devant de lui, avec un prêtre qui portait l’Eucharistie. Ils se mirent tous à genoux pour demander grâce, et ils l’obtinrent. Quoi qu’on en ait dit, Ziska était dirigé en tout par les conseils de la politique, et ne se livrait à ses ressentiments que lorsqu’ils lui paraissaient nécessaires au succès de son œuvre. Les mines d’argent de Cuttemberg étaient le trésor du royaume ; et Ziska, d’accord avec ceux de Prague, résolut de conserver cette province. Un prêtre taborite reprocha aux Cuttembergeois leur conduite passée, les exhorta à n’y plus retomber, et leur signifia les conditions de la paix. Tous ceux qui voudraient changer de religion seraient traités en frères ; tous ceux qui ne le voudraient pas auraient trois mois pour vendre leurs biens et se retirer où bon leur semblerait. Il est triste de dire que la clémence

  1. Ils jouissaient des grands privilèges accordés aux ouvriers et aux paysans de cette frontière depuis l’an 1040, pour l’avoir vaillamment défendue contre l’empereur Henri III. Ils ne payaient pas d’impôts, avaient un sénat particulier, etc.