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jean ziska.

l’empereur. L’évêque de fer s’était si bien comporté en Moravie, malgré la ténacité des Taborites et les progrès du Hussitisme, que l’archiduc avait repris courage, et que Sigismond recouvrait l’espoir de rentrer en Bohême. Le roi de Pologne avait épousé, non la veuve de Wenceslas comme il en avait été tenté, mais une autre Sophie, fille du grand-duc de Moscovie. L’Empereur avait assisté à ses noces, et Wladislas faisait serment de ne plus envoyer Coribut aux Bohémiens. Mais le jeune homme, prenant goût à cet essai de royauté, rentra secrètement en Bohême, et y fut accueilli comme un bras de plus contre Sigismond. Cette démarche réveilla les méfiances de l’Empereur, et l’engagea à traiter directement avec Ziska. Il lui envoya des ambassadeurs avec des offres magnifiques, dans l’espoir de le séduire, de le tromper peut-être, et de recouvrer la couronne de Bohême, sinon par les armes, du moins par l’intrigue. Il lui offrait le gouvernement du royaume s’il voulait se ranger à son parti et ramener les rebelles. « Étrange réduction, dit, à ce sujet, un historien catholique, qu’un empereur d’une si haute réputation en Italie, en Allemagne, en France, par toute l’Europe, fût contraint de s’abaisser pour recouvrer son royaume, devant un petit gentilhomme, un aveugle, un profane, un sacrilège et un scélérat ! »

On dit que Ziska fut ébloui et enivré de ces offres, et qu’il se dirigea aussitôt vers la Moravie avec Coribut et ceux de Prague, comme pour combattre, mais en effet pour traiter de plus près avec Sigismond. Ce peut bien être là une calomnie de plus sur un héros dont les vues ont été si calomniées d’ailleurs.

Quoi qu’il en soit, il semble que la Providence n’ait pas voulu le lancer sur la pente dangereuse de l’ambition personnelle, et qu’elle l’ait soustrait à cette lutte plus funeste que celle des combats, afin de laisser aux Tabo-