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jean ziska.

des consuls allemands, à l’exclusion de ceux du pays, pour maintenir ses sujets dans l’obéissance, et fit périr les mécontents sur la place publique. La fière nation bohème ne put souffrir cet outrage, et ne lui pardonna jamais d’avoir appelé des étrangers à son aide pour décimer sa noblesse. Ce fut le principal prétexte allégué dans le soulèvement qui éclata par la suite, et où Jean Huss, au nom de l’Université de Prague, eut beaucoup de part. On lui reprocha encore amèrement le meurtre de Jean de Népomuck, ce vénérable docteur, qu’il avait fait jeter dans la Moldaw pour n’avoir pas voulu lui révéler la confession de sa femme. Enfin la mort de cette pieuse et douce Jeanne fut imputée à ses mauvais traitements. Tour à tour spoliateur des biens de son clergé et persécuteur des hérétiques, accusé par les orthodoxes d’avoir laissé couver et éclore l’hérésie hussite, par les réformateurs d’avoir abandonné Jean Huss aux fureurs du concile et maltraité ses disciples, il ne trouva de sympathie nulle part, parce qu’il n’avait jamais éprouvé de sympathie pour personne. Sigismond aida les mécontents à lui faire un mauvais parti, et un beau matin, en 1393, l’empereur Wenceslas fut mis aux arrêts dans la maison de ville, ni plus ni moins qu’un ivrogne ramassé par la patrouille. Il s’en échappa tout nu dans un bateau, où une femme du peuple le recueillit, à telles enseignes qu’il en fit, dit-on, sa femme. Cependant Sigismond, levant le masque, fondait sur la Bohême. Les Bohémiens relevèrent leur fantôme de roi pour tenir l’usurpateur en respect et le repousser. Wenceslas n’en fut pas plus sage, et se mit en besogne de vendre son royaume pour boire. Il commença par la Lombardie, qui était un fief de l’Empire et qu’il donna à Jean Galéas Visconti pour 150,000 écus d’or. Il avait déjà perdu les villes, forts et châteaux de la Bavière, que Rupert, l’électeur palatin, lui avait