Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/171

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GABRIEL.

Pas le moins du monde ; car, dans mon rêve, je n’étais pas un habitant de cette terre. J’avais des ailes, et je m’élevais à travers les mondes, vers je ne sais quel monde idéal. Des voix sublimes chantaient autour de moi ; je ne voyais personne ; mais des nuages légers et brillants, qui passaient dans l’éther, reflétaient ma figure, et j’étais une jeune fille vêtue d’une longue robe flottante et couronnée de fleurs.

LE PRÉCEPTEUR.

Alors vous étiez un ange, et non pas une femme.

GABRIEL.

J’étais une femme ; car tout à coup mes ailes se sont engourdies, l’éther s’est fermé sur ma tête, comme une voûte de cristal impénétrable, et je suis tombé, tombé… et j’avais au cou une lourde chaîne dont le poids m’entraînait vers l’abîme ; et alors je me suis éveillé, accablé de tristesse, de lassitude et d’effroi… Tenez, n’en parlons plus. Qu’avez-vous à m’enseigner aujourd’hui ?

LE PRÉCEPTEUR.

J’ai une conversation sérieuse à vous demander, une importante nouvelle à vous apprendre, et je réclamerai toute votre attention.

GABRIEL.

Une nouvelle ! ce sera donc la première de ma vie, car j’entends dire les mêmes choses depuis que j’existe. Est-ce une lettre de mon grand-père ?

LE PRÉCEPTEUR.

Mieux que cela.

GABRIEL.

Un présent ? Peu m’importe. Je ne suis plus un enfant pour me réjouir d’une nouvelle arme ou d’un nouvel habit. Je ne conçois pas que mon grand-père ne