Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/183

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gneusement caché l’existence de ce jeune homme ! ce sera là ma consolation, la réparation de l’iniquité à laquelle on m’associe ! Pauvre parent ! pauvre victime, toi aussi ! Errant, vagabond, criblé de dettes, plongé dans la débauche, disent-ils, avili, dépravé, perdu, hélas ! peut-être. La misère dégrade ceux qu’on élève dans le besoin des honneurs et dans la soif des richesses. Et le cruel vieillard s’en réjouit ! Il triomphe de voir son petit-fils dans l’abjection, parce que le père de cet infortuné a osé contrarier ses volontés absolues, qui sait ? dévoiler quelqu’une de ses turpitudes, peut-être ! Eh bien ! je te tendrai la main, moi qui suis dans le fond de mon âme plus avili et plus malheureux que lui encore ; je m’efforcerai de te retirer du bourbier, et de purifier ton âme par une amitié sainte. Si je n’y réussis pas, je comblerai du moins par mes richesses l’abîme de ta misère, je te restituerai ainsi l’héritage qui t’appartient ; et, si je ne puis te rendre ce vain titre que tu regrettes peut-être, et que je rougis de porter à ta place, je m’efforcerai du moins de détourner sur toi la faveur des rois, dont tous les hommes sont jaloux. Mais quel nom porte-t-il ? Et où le trouverai-je ? Je le saurai : je dissimulerai, je tromperai, moi aussi ! Et quand la confiance et l’amitié auront rétabli l’égalité entre lui et moi, ils le sauront !… Leur inquiétude sera poignante. Puisque tu m’insultes, ô vieux Jules ! puisque tu crois que la chasteté m’est si pénible, ton supplice sera d’ignorer à quel point mon âme est plus chaste et ma volonté plus ferme que tu ne peux le concevoir !…

Allons ! du courage ! Mon Dieu ! mon Dieu ! vous êtes le père de l’orphelin, l’appui du faible, le défenseur de l’opprimé !

FIN DU PROLOGUE.