Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/250

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religion ! Je la hais, parce qu’elle vous ruine en vous entraînant à de folles dépenses, à la révolte contre moi, à la haine des personnes qui m’entourent et qui me sont chères… Je la hais, parce que vous la préférez à moi ; parce qu’entre nous deux, s’il y a la plus légère dissidence, c’est pour elle que vous vous prononcez, au mépris de l’amour et du respect que vous me devez. Je la hais…

ASTOLPHE.

Assez, ma mère ; de grâce, n’en dites pas davantage ! vous la haïssez parce que je l’aime, c’est en dire assez.

SETTIMIA

Eh bien ! oui ! je la hais parce que vous l’aimez, et vous ne m’aimez plus parce que je la hais. Voilà où nous en sommes. Comment voulez-vous que j’accepte une pareille préférence de votre part ? Quoi ! l’enfant qui me doit le jour, que j’ai nourri de mon sein et bercé sur mes genoux, le jeune homme que j’ai péniblement élevé, pour qui j’ai supporté toutes les privations, à qui j’ai pardonné toutes les fautes ; celui qui m’a condamnée aux insomnies, aux angoisses, aux douleurs de toute espèce, et qui, au moindre mot de repentir et d’affection, a toujours trouvé en moi une inépuisable indulgence, une miséricorde infatigable : celui-là me préfère une inconnue, une fille qui l’excite contre moi, une créature sans cœur qui accapare toutes ses attentions, toutes ses prévenances, et qui se tient tout le jour vis-à-vis de moi dans une attitude superbe, sans daigner apercevoir mes larmes et mes déchirements, sans vouloir répondre à mes plaintes et à mes reproches, impassible dans son orgueil hypocrite, et dont le regard insolemment poli semble me dire à toute heure : — Vous avez beau gronder, vous avez beau gémir, vous avez beau menacer, c’est moi qu’il aime, c’est moi qu’il respecte, c’est moi qu’il craint ! Un