Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/260

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tous deux ; tu ne le peux plus ! Ton âme a perdu la fleur de sa jeunesse magnanime ; un secret remords la contriste sans la préserver de nouvelles fautes. Ah ! sans doute il est dans l’amour un sanctuaire dans lequel on ne peut plus rentrer quand on a fait un seul pas hors de son enceinte, et la barrière qui nous séparait du mal ne peut plus être relevée. L’erreur succède à l’erreur, l’outrage à l’outrage, l’amertume grossit comme un torrent dont les digues sont rompues… Quel sera le terme de ses ravages ? Mon amour, à moi, peut-il devenir aussi sa proie ? Succombera-t-il à la fatigue, aux larmes, aux soucis rougeurs ? Il me semble qu’il est encore dans toute sa force, et que la souffrance ne lui a rien fait perdre. Astolphe a été insensé, mais non coupable ; ses torts furent presque involontaires, et toujours le repentir les effaça. Mais s’ils devenaient plus graves, s’il venait à m’outrager froidement, à m’imposer cette captivité à laquelle je me dévoue pour accéder à ses prières… pourrais-je le voir des mêmes yeux ? pourrais-je l’aimer de la même tendresse ?… Est-ce que ses égarements n’ont pas déjà enlevé quelque chose à mon enthousiasme pour lui ?… Mais il est impossible qu’Astolphe se refroidisse ou s’égare à ce point ! C’est une âme noble, désintéressée, généreuse jusqu’à l’héroïsme. Que ses défauts sont peu de chose au prix de ses vertus !… Hélas ! il fut un temps où il n’avait point de défauts !… Ô Astolphe ! que tu m’as fait de mal en détruisant en mot l’idée de ta perfection (On frappe.) Qui vient ici ? C’est peut-être Marc.