Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/272

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Jamais tu ne rencontreras un amant qui ne soit pas jaloux de toi, c’est-à-dire avare de toi, méfiant, tourmenté, injuste, despotique.

GABRIELLE.

Crois-tu que je rêve l’amour dans une autre âme que la tienne ?

ASTOLPHE.

Tu le devrais, tu le pourrais ; c’est ce qui justifie ma jalousie et la rend moins outrageante.

GABRIELLE.

Hélas ! en effet, l’amour ne raisonne pas ; car je ne puis rêver un amour plus parfait qu’en le plaçant dans ton sein, et je sens que cet amour, dans le cœur d’un autre, ne me toucherait pas.

ASTOLPHE.

Oh ! dis-moi cela, dis-moi cela encore ! répète-le-moi toujours ! Va, méconnais la raison, outrage l’équité, repousse la voix du ciel même si elle s’élève contre moi dans ton âme ; pourvu que tu m’aimes, je consens à porter dans une autre vie toutes les peines que tu auras encourues pour avoir eu la folie de m’aimer dans celle-ci.

GABRIELLE.

Non, je ne veux pas t’aimer dans l’ivresse et le blasphème. Je veux t’aimer religieusement et t’associer dans mon âme à l’idée de Dieu, au désir de la perfection. Je veux te guérir, te fortifier contre lui-même et t’élever à la hauteur de mes pensées. Promets-moi d’essayer, et je commence par te céder comme on fait aux enfants malades. Nous n’irons point à Florence, je serai femme toute cette année, et, si tu veux entreprendre le grand œuvre de ta conversion au véritable amour, ma tristesse se changera en un bonheur incomparable.

ASTOLPHE.

Oui, je le veux, ma femme chérie, et je te remercie à