Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/275

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dévoiler ce dangereux secret ; et je me laisse ramener ici, où tu m’aimes pourtant moins, car, dans la tranquille possession d’un objet tant disputé, il semble que ton amour s’engourdisse et s’éteigne comme une flamme sans aliment.

ASTOLPHE.

Je ne puis le nier, Dieu me punit alors d’avoir manqué de foi. Je sens bien que je ne t’aime pas moins : car, au moindre sujet d’inquiétude, mes fureurs se rallument ; puis, dans le calme, je suis saisi même à tes côtés d’un affreux ennui. Tu me bénis, et il me semble que tu me hais. La nuit je te serre dans mes bras, et je rêve que c’est un autre qui te possède. Ah ! ma bien-aimée, prends pitié de moi ; je te confesse mon désespoir, ne me méprise pas ; écarte de moi cette malédiction, fais que je t’aime comme tu veux être aimée !

GABRIELLE.

Que ferons-nous donc ? Le monde avec moi t’exaspère, la solitude auprès de moi te consume. Veux-tu te distraire pendant quelques jours ? veux-tu aller à Florence sans moi ?

ASTOLPHE.

Il me semble parfois que cela me fera du bien ; mais je sais qu’à peine j’y serai, les plus affreux songes viendront troubler mon sommeil. Le jour je réussirai à porter saintement ton image dans mon âme, la nuit je te verrai ici avec un rival.

GABRIELLE.

Quoi ! tu me soupçonnes à ce point ? Enferme-moi dans quelque souterrain, charge Marc de me passer mes aliments par un guichet, emporte les clefs, fais murer la porte ; peut-être seras-tu tranquille ?

ASTOLPHE.

Non ! un homme passera, te regardera par le soupi-