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jean ziska.

le dos au Léman, de sorte qu’il rentra à son auberge sans l’avoir aperçu. Mais on assure qu’il n’en était pas moins content de son voyage, parce qu’il avait vu les belles montagnes qui entourent et regardent le lac. Ceci est une parabole triviale, applicable à l’histoire. La montagne, c’est l’Église romaine, qui, dans le passé, domine le monde de sa hauteur et de sa puissance. Le lac profond, c’est l’hérésie, dont la source mystérieuse cache des abîmes et ronge la base du mont. Le voyageur, c’est vous, si vous imitez l’Anglais, qui ne songea point à regarder derrière lui.

Quand vous lisez l’Évangile, les Actes des apôtres, les Vies des saints, et que vous reportez vos regards sur la vérité actuelle, comment vous expliquez-vous cette épouvantable antithèse de la morale chrétienne avec des institutions païennes ?

Quelques formules de notre code français (ce ne sont que des formules !) rappellent seules le précepte de Jésus et la doctrine des apôtres. Si l’empereur Julien revenait tout à coup parmi nous et qu’on lui montrât seulement ces formules, il s’écrierait encore une fois : « Tu l’emportes, Galiléen ! » Et si saint Pierre, le chef et le fondateur dont l’Église romaine se vante, était appelé à la même épreuve, il ne manquerait pas de dire : « Voilà l’ouvrage de ma chère fille la sainte Église. » Mais le pape serait là pour lui répondre : « Que dites-vous là, saint père ? c’est l’abominable ouvrage d’une abominable révolution, dont les fanatiques ont brisé vos autels, outragé vos lévites et profané nos temples. » Je suppose que saint Pierre, étourdi d’une pareille explication, appelât saint Jean pour le tirer de cet embarras ; saint Jean, qui en savait et en pensait plus long que lui sur l’égalité, lui dirait : « Prenez garde, frère, j’ai bien peur que le coq n’ait chanté sur le clocher de votre Église romaine. » Et alors, appelant le