Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/337

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ne pouvant se concevoir qu’indissolublement lié au devoir. La liberté complète pour l’individu serait le droit de tout faire, et l’on ne reconnaît, certes, pas à l’individu le droit de tout faire, quand on lui montre des devoirs à remplir. Or, voici ce que nous voyons avec M. de La Mennais dans le droit et le devoir individuels. Le droit de l’individu est de réclamer de tous l’exécution du devoir envers lui-même, et son devoir est de respecter le droit de tous.

Il ne nous reste plus maintenant à examiner que l’appréciation historique et philosophique du christianisme de M. de La Mennais.

M. de La Mennais n’a pas, ce nous semble, méconnu et dédaigné les réalités de l’histoire, et n’a pas cru au règne absolu du mal dans le présent comme dans le passé, quand il a dit (page 154) : « Voyez ce que doit l’humanité au christianisme : la progressive abolition de l’esclavage et du servage, le développement de sens moral et l’influence de ce développement sur les mœurs et les lois, de plus en plus empreintes d’un esprit de douceur et d’équité inconnu auparavant ; les merveilleuses conquêtes de l’homme sur la nature, fruit de la science et des applications de la science ; l’accroissement du bien-être public et individuel ; en un mot, l’ensemble des biens qui élèvent notre civilisation si fort au-dessus de la civilisation antique, et de celle des peuples que l’Évangile n’a point encore éclairés. » Nous ne nions pas que M. de La Mennais ne fasse dans l’histoire une part trop belle au christianisme, en lui attribuant exclusivement tous ces grands résultats ; mais il n’en est pas moins vrai qu’il ne voit dans notre organisation sociale qu’un mal relatif qui y existe en effet. Et d’ailleurs, il est bien évident que l’homme qui croirait au règne absolu du mal n’annoncerait pas l’amélioration et le per-