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jean ziska.

raconterons à nos lectrices. Des auteurs plus graves que nous l’ont consignée en latin.

Un jour de l’année 1359, l’empereur Charles, étant à la chasse, disparut avec deux de ses écuyers et ne rejoignit ses compagnons que le soir à Kœnigsgratz. L’empereur se mit à table, ne répondit que par un sourire à ceux que son absence avait effrayés, et se contenta de leur dire qu’un serment épouvantable l’empêchait de s’expliquer sur sa disparition mystérieuse. Cependant on remarqua que l’empereur avait au doigt une bague d’une forme antique, où était enchâssé un diamant tel, que le trésor impérial n’en avait jamais possédé d’aussi précieux.

On admira ce joyau, on se perdit en commentaires. L’empereur mourait d’envie de parler. Enfin, lorsque le bon vin l’eut rendu plus communicatif, il réfléchit un peu, déclara qu’il pouvait raconter son aventure avec certaines restrictions, sans violer son serment, et se décida à rapporter ce qui suit.

Il était entré dans un monastère pour s’y reposer, et il avait été fort bien reçu et régalé à merveille par l’abbé, qui le prenait pour un seigneur de la cour. Après le repas, pressé de dire son nom, il avait promis de le faire dans l’église seulement, en présence des deux plus anciens moines et de l’abbé. Celui-ci ayant choisi ceux en qui il avait le plus de confiance, et ayant conduit l’empereur dans l’église, l’empereur se nomma et leur déclara que le désir de voir leur trésor l’avait amené chez eux. Il leur engagea en même temps sa foi d’empereur des Romains qu’il n’en prendrait rien, et ne souffrirait jamais qu’on leur en prît la moindre chose. L’abbé, à ces paroles, fut saisi d’une grande frayeur, se retira à l’écart, et, après avoir délibéré longuement avec ses deux moines, il répondit au monarque : « Très-clément souverain, nous vous dirons que des soixante religieux que nous