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de cette année 1420, une douzaine de communautés religieuses. Coranda l’accompagnait dans ces farouches expéditions. Hyneck Krussina, homme de tête et de main, imitant le zèle de Ziska, réunit, sur une montagne de Cuttemberg qu’il baptisa Oreb, des troupes de paysans qui prirent le nom d’Orébites. Les Taborites et les Orébites fraternisèrent dans les combats et communièrent ensemble sur les champs de bataille. En cas de danger, ils convinrent de se donner toujours avis et de se secourir mutuellement. En attendant la guerre du dehors, qui était imminente, ils se tinrent en haleine en détruisant ces moines que Ziska appelait les ennemis domestiques.

Au milieu de ces événements, Ziska devint aveugle. Comme il assiégeait la forteresse de Raby, il monta sur un arbre afin de voir et d’encourager ses gens. Une bombarde, en passant près de lui et en fracassant les branches, lui fit sauter un petit éclat de bois dans l’œil, le seul qui lui restât. La forteresse n’en fut pas moins emportée d’assaut et réduite en cendres ; puis Ziska alla se faire panser à Prague, et peu de temps après il rentra en campagne, privé entièrement et à jamais de la vue.

Il ne faut pas croire que cette guerre aux moines fut sans fatigues et sans dangers. Presque tous ces monastères étaient fortifiés ; et les abbés, quand ils ne pouvaient pas compter sur leurs vassaux, appelaient les corps d’Impériaux pour les défendre. Quelquefois même on voyait des paysans ou des ouvriers prendre parti contre les Taborites, à cause de quelque privilège agricole ou industriel qu’ils voulaient conserver. Les mineurs de Cuttemberg[1], qui étaient Allemands pour la plupart, haïssaient tellement les Orébites, qu’ils les guettaient au passage dans les passes étroites de leurs montagnes, les

  1. Dans le Bœhmer-Wald, à la frontière bavaroise.