Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/190

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risé et encouragé M. Louandre à me chercher, à me désigner une compagne, j’allais donc devenir pour jamais étranger à cette famille qui eût dû être la mienne ! Elle marchait à sa perte, et moi, j’étais riche, j’étais devenu instruit, je pouvais la sauver, et je m’occupais de mon mariage ! Je n’avais plus qu’à dire : « Tant pis pour ceux qui n’ont pas voulu de moi ! »

Cette idée me parut monstrueuse.

— Non, m’écriai-je en moi-même, cela ne sera pas ! Je ne me marierai pas. Je veux rester libre de sauver ma pauvre Love le jour où l’amitié fraternelle et l’amour filial qui me l’ont enlevée lui commanderont enfin de revenir à moi. Cela peut tarder trois ou quatre ans encore : eh bien, n’y en a-t-il pas cinq que j’attends, et les années de ma vie où Love n’est pas comptent-elles désormais devant moi ?

Je chassais de mon mieux ces résolutions romanesques et folles, mais mon cœur s’y obstinait, et jusqu’au soir j’errai dans le parc sans penser à chercher un gîte quelconque. Je ne me sentais plus vivre que par ma fièvre, et je ne voulais pas sortir de Bellevue sans avoir ressaisi ma volonté dans cette lutte de volontés contradictoires. L’amour l’emporta. J’allai droit à la ferme de Bellevue. On ne m’y reconnut pas, bien que je ne prisse aucun soin de me dissimuler. J’y