Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/214

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en droit d’avoir avec un guide bien payé. Elle avait dit : « Mon ami, je vous prie, » comme elle eût dit : « Brave homme, faites ce que je vais vous ordonner. » J’affectais un air simple et des allures rustiques auxquelles il ne m’était pas difficile de donner le caractère indigène le plus fidèle. Je retrouvais aussi sans effort l’accent des montagnes de l’Auvergne, qui n’est pas le charabia de convention qu’on nous prête à Paris, mais une sorte de gasconnage orné parfois du grasseyement provençal. Quant au patois proprement dit, je n’en avais pas oublié une locution, et je le parlais avec les autres guides de façon à satisfaire l’oreille la plus méfiante.

Les monts Dore, bien que plus élevés et plus escarpés que les monts Dôme, ne sont pas d’un accès très-difficile en été, même pour les femmes ; mais la saison que M. Butler avait choisie pour son excursion les rendait assez périlleux à explorer. Presque partout les sentiers avaient disparu, et les tourbes épaisses des hautes prairies, détrempées par l’humidité, se détachaient par énormes lambeaux qui menaçaient de nous engloutir. Le pied ne trouvait pas toujours sur le sol la résistance nécessaire pour se fixer, et par endroits il fallait escalader des éboulements de roches et d’arbres dont notre poids hâtait la chute. Quand le terrain n’était pas trop rapide, c’était un