Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/291

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pleine de pitié comme celle qu’elle vouait à son frère ? M’était-il permis de prétendre à une passion que je n’étais pas digne d’inspirer ? Et moi, pouvais-je accepter une pitié qui achèverait de m’avilir ?

L’abattement fut tout le calme que je pus obtenir de ma passion. Je dormis de fatigue, et je fus réveillé à deux heures du matin par François, qui me demandait si, tout de bon, je voulais porter le fauteuil, vu qu’il était temps de se mettre en route. Les Butler voulaient voir le lever du soleil sur le Sancy.

— Pourquoi ne porterais-je pas le fauteuil aussi bien que les autres ? lui répondis-je.

— Parce qu’il faut savoir. Diable ! ce n’est pas un jeu, et, tout bon piéton que vous êtes, vous ne savez pas ce que c’est que d’être attelé à un brancard pour monter ou descendre à pic, sauter les torrents de pierre en pierre, traverser la neige aux endroits praticables, et cela avec tant d’ensemble, que le camarade ne tombe pas sur un faux mouvement de vous ; songez aussi au voyageur. Si vous tombez tout simplement, le fauteuil tombera sur ses quatre pieds, et il n’y aura pas grand mal ; mais, si vous roulez sans avoir pu défaire la bricole, adieu tout le monde. Pensez-y, monsieur, ne nous faites pas un malheur ! Songez que la demoiselle va nous confier sa vie !

— C’est pour cela que je veux la porter, François.