Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/38

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mère s’était ensevelie vivante. Elle du moins avait vécu ; elle avait aimé. Moi, je n’avais connu de l’amour que le rêve, et ce rêve, je travaillais à l’éteindre dans de faux plaisirs. J’étais las de ce mauvais leurre, et, résolu à m’y soustraire, je ne sentais pourtant plus la soif du vrai. Je n’étais déjà plus matérialiste, mais je n’étais encore initié à aucun idéal. Je me sentais donc dégoûté de tout et de moi-même.

Mes ressources tiraient à leur fin, lorsque je reçus de ma mère une nouvelle somme, sans aucune demande d’explication relative à l’emploi de la première. Je fus effrayé de cette munificence, qui représentait pour elle, je ne le savais que trop, une vingtaine d’années de privations. Un remords subit et poignant s’empara de moi. Mes débauches m’apparurent comme une tache sur ma vie.

Je n’avais en aucune façon rempli les intentions de ma pauvre mère. J’avais beaucoup négligé les vieux amis auxquels j’étais recommandé, et qui devaient s’occuper de mon établissement. Je me sentais fort mal disposé au mariage. Un rêve de bonheur ainsi arrêté et discuté à l’avance éloignait de moi toute confiance et toute spontanéité. J’allai faire mes adieux aux personnes sérieuses de ma connaissance, je ne dis mot aux autres, et je partis pour ma province sans aucune autre résolution arrêtée que celle de for-