Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/58

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voix était harmonieuse, point voilée, forte pour son petit être, un timbre admirable, mais plus fait pour commander que pour flatter. Le geste était à l’avenant. Elle servait à table et touchait aux objets placés près d’elle avec une dextérité sans hésitation : aucune gaucherie possible dans ces petites mains qui semblaient obéir, pour les moindres fonctions, à la pensée rapide et sûre d’elle-même. Elle donnait avec calme et politesse des ordres monosyllabiques, comme une personne qui sait ce qu’elle veut et qui sait se faire comprendre.

— Douce et absolue ! pensais-je. C’est un peu comme ma mère ; mais il y a ici la grâce et l’animation qui dérangent toute comparaison.

Et, comme je me jugeais parfaitement détaché de tout projet, j’ajoutais en moi-même :

— Si j’ai étudié avec fruit quelques types féminins, et si les théories que j’ai pu me faire ne m’égarent point, cette petite personne mènera son mari, son ménage et ses enfants, par un chemin très-logique, vers l’accomplissement de ses propres volontés. Elle n’en abusera pas, elle ne trompera personne, elle ne se trahira pas elle-même. Esclave de ses principes ou de ses engagements, elle sera honnête et juste, mais personne n’aura d’initiative avec elle, et, si son mari n’est pas un homme médiocre, il souffrira toute sa vie