Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/70

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vue Peut-être son père l’avait-il déjà avertie de mes prétentions, peut-être avait-elle déjà prononcé que je lui déplaisais autant que mes devanciers. J’arrivais bouillant et sauvage, j’allais être congédié poliment. La sueur se glaça sur mon front. Je m’aperçus alors de l’état où j’avais mis mon pauvre cheval. Couvert de sang et d’écume, il allait trahir ma folle précipitation, si par malheur je venais à rencontrer, comme la première fois, la famille Butler partant pour la promenade. C’était à peu près la même heure, et ces Anglais devaient avoir des habitudes réglées. Je me hâtai de faire un détour, et très-lentement alors je suivis extérieurement la clôture du parc, afin d’entrer par la grille située à l’extrémité. J’avais ainsi tout le temps de rafraîchir ma monture et de rasseoir mes esprits.

La clôture de ce parc était plutôt fictive que réelle. En beaucoup d’endroits, ce n’était qu’un petit fossé avec une haie naissante, obstacle facile à franchir, marquant une limite, mais ne gênant guère ni la promenade ni la vue. Je m’étais arrêté à l’ombre d’un chêne pour essuyer avec une poignée de fougères les flancs trop émus de mon cheval, lorsque j’entendis un éclat de rire, frais comme la chute d’un ruisseau, et, levant les yeux vers le parc, je vis miss Love assise à quinze pas de moi sur le gazon.

De quoi riait-elle ? Elle était seule, elle ne me voyait