Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/99

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Un grand-oncle, chanoine sécularisé, encore plus avare que pauvre, me dit à l’oreille qu’il n’y avait pas assez de fortune pour si peu de naissance.

Cette journée m’attrista. Il me tardait de me retrouver seul avec ma mère. Quand je lui eus raconté tous les incidents de la maladie de M. Butler et ceux de mon rapide tête-à-tête avec Love, elle m’attrista encore plus en ne partageant pas ma confiance.

— Je suis fâchée, me dit-elle, que vous ayez annoncé officiellement ce mariage. Il n’est pas fait. Je ne me tourmentais pas de voir un père désireux de ne pas quitter sa fille ; je crains les exigences bien naturelles, mais peut-être excessives un jour, de cette fille, qui ne veut pas et qui ne pourra peut-être pas quitter son père. Quand vous vous êtes engagé, avez-vous fait au moins la réserve de rester en France, si bon vous semblait ?

Je n’y avais pas songé, et j’en fis l’aveu. Ma mère baissa les yeux. Elle était blessée et affligée de mon imprudence, mais elle ne dit pas un mot, et, comme de coutume, je me sentis livré à moi-même. Je n’osai pas lui parler de la froideur du jeune Butler, mais l’effroi me revint au cœur, et avec l’effroi toutes les angoisses, toutes les ardeurs d’une passion contrariée.