Page:Sand - Journal d’un voyageur pendant la guerre.djvu/116

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qui le fait homme. « Quand Jupiter réduit l’homme à la servitude, il lui enlève une moitié de son âme. » L’état militaire est une servitude brutale qui depuis longtemps répugne à notre civilisation. Avec des ambitions ou des fantaisies de guerre, le dernier règne était si bien englué dans les douceurs de la vie, qu’il avait laissé pourrir l’armée. Il n’avait plus d’armée, et il ne s’en doutait pas. Le jour où, au milieu des généraux et des troupes de sa façon, Napoléon III vit son erreur, il fut pris de découragement, et ce ne fut pas le souverain, ce fut l’homme qui abdiqua.

Les douceurs de la vie comme ce règne les a goûtées, c’était l’œuvre d’une civilisation très-corrompue ; mais la civilisation, qui est l’ouvrage des nations intelligentes, n’est pas responsable de l’abus qu’on fait d’elle. La moralité y puise tout ce dont elle a besoin ; la science, l’art, les grandes industries, l’élégance et le charme des bonnes mœurs ne peuvent se passer d’elle. Soyons donc fiers d’être le plus civilisé des