Page:Sand - Journal d’un voyageur pendant la guerre.djvu/142

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nous bouleverse et me paraît bien étrange, à moi. Comment le ministre de la guerre n’a-t-il rien su des dispositions de Bazaine à l’égard de la république ? S’il les savait douteuses, pourquoi a-t-il affiché la confiance ? Je ne veux pas encore le dire tout haut, il ne faut pas se fier à son propre découragement, mais malgré moi je me dis tout bas :

Qui trompe-t-on ici ?

Il n’était pas impossible d’avoir des nouvelles de Metz. J’ai reçu dernièrement un petit feuillet de papier à cigarettes qui me rassurait sur le sort du respectable savant M. Terquem, et qui était bien écrit de sa main :

« Nous ne manquons de rien, nous allons très-bien, quoique sans clocher depuis quinze jours. »

La famine ne se fait pas tout d’un coup dans une place assiégée. On a pu la voir venir, on a dû la prévoir. Hier on la niait, et, au moment où Bazaine la déclare, on la nie encore. J’ai une terreur affreuse qu’il ne se passe à Paris quelque chose d’analogue, si Paris est forcé de capituler.