— Je n’ai pas peur des Prussiens.
— Alors, répond un voisin, tu es décidé à te battre ?
— Non. Pourquoi me battrais-je ?
— Pour te défendre. S’ils prennent ta vache, qu’est-ce que tu feras ?
— Rien. Ils ne me la prendront pas.
— Pourquoi ?
— Parce qu’ils n’en ont pas le droit.
Sancta simplicitas ! Toute la logique du paysan est dans cette notion du tien et du mien, qui lui paraît une loi de nature imprescriptible. Ils n’en ont pas le droit ! — Le mot, rapporté à table, nous a fait rire, puis je l’ai trouvé triste et profond. Le droit ! cette convention humaine, qui devient une religion pour l’homme naïf, que la société méconnaît et bouleverse à chaque instant dans ses mouvements politiques ! Quand viendra l’impôt forcé, l’impôt terrible, inévitable, des frais de guerre, tous ces paysans vont dire que l’État n’a pas le droit ! Quelle résistance je prévois, quelles colères, quels désespoirs au bout