Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/15

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drée par le hasard et la matière. La faute de ma misère, je ne sais à qui l’imputer ; et, dans les âcres révoltes de mon esprit, ma plus grande souffrance est toujours de craindre l’absence d’un Dieu que je puisse insulter. Je le cherche alors sur la terre, et dans les cieux, et dans l’enfer, c’est-à-dire dans mon cœur. Je le cherche, parce que je voudrais l’éteindre, le maudire et le terrasser. Ce qui m’indigne et m’irrite contre lui, c’est qu’il m’ait donné tant de vigueur pour le combattre, et qu’il se tienne si loin de moi ; c’est qu’il m’ait départi la gigantesque puissance de m’attaquer à lui, et qu’il se tienne là-bas ou là-haut, je ne sais où, assis dans sa gloire et dans sa surdité, au-dessus de tous les efforts de ma pensée.

» J’étais pourtant née en apparence sous d’heureux auspices. Mon front était bien conformé ; mon œil s’annonçait noir et impénétrable comme doit être tout œil de femme libre et fière ; mon sang circulait bien, et nulle