Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/112

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lence hors de lui-même ; regardez cette grande taille grecque sous ces habits de l’Italie dévote et passionnée, cette beauté antique, dont la statuaire a perdu le moule, avec l’expression de rêverie profonde des siècles philosophiques ; ces formes, et ces traits si riches ; ce luxe d’organisation extérieure dont un soleil homérique a seul pu créer les types maintenant oubliés ; regardez, vous dis-je, cette beauté physique qui suffirait pour constater une grande puissance, et que Dieu s’est plu à revêtir de toute la puissance intellectuelle de notre époque ! Peut-on imaginer quelque chose de plus complet que Lélia vêtue, posée et rêvant ainsi ? C’est le marbre sans tache de Galatée, avec le regard céleste du Tasse, avec le sourire sombre d’Alighieri. C’est l’attitude aisée et chevaleresque des jeunes héros de Shakespeare : c’est Roméo, le poétique amoureux ; c’est Hamlet, le pâle et ascétique visionnaire ; c’est Juliette, Juliette demi-morte, cachant dans son sein le poison et le