Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/224

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coude appuyé sur le mausolée, l’œil immobile sur les flots, elle n’entendit pas Sténio qui la suppliait de se révéler à lui.

— Oui ! dit-elle après un long silence, elle est morte ! et si une ame humaine a mérité d’aller aux cieux, c’est la sienne ; elle a fait plus qu’il ne lui était imposé : elle a bu la coupe d’amertume jusqu’à la lie, puis repoussant le bienfait qui allait descendre d’en-haut après l’épreuve, refusant la faculté d’oublier et de mépriser son mal, elle a brisé la coupe et gardé le poison dans son sein comme un amer trésor. Elle est morte ! morte de chagrin ! Et nous tous, nous vivons ! Vous-même, jeune homme, qui avez encore des facultés toutes neuves pour la douleur, vous vivez ou bien vous parlez de suicide, et cela est plus lâche que de subir cette vie souillée que le mépris de Dieu nous laisse !

Sténio, la voyant plus triste, se mit à chanter pour la distraire. Tandis qu’il chantait, des larmes coulaient de ses paupières