Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/242

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glacier, vous les avez franchies sur une planche jetée par nos guides et qui tremblait sur des abîmes sans fond. Vous avez traversé les cataractes, légère et agile comme la cigogne blanche qui se pose de pierre en pierre, et s’endort le cou plié, le corps en équilibre, sur une de ses jambes frêles, au milieu du flot qui fume et tournoie, au-dessus des gouffres qui vomissent l’écume à pleins bords. Vous n’avez pas tremblé une seule fois, Lélia ; et moi, combien j’ai frémi ! combien de fois mon sang s’est glacé et mon cœur a cessé de battre en vous voyant passer ainsi au-dessus de l’abîme, insouciante, distraite, regardant le ciel et dédaignant de savoir où vous posiez vos pieds étroits ! Vous êtes bien brave et bien forte, Lélia ! Quand vous dites que votre ame est énervée, vous mentez ; nul homme ne possède plus de confiance et d’audace que vous.

— Qu’est-ce que l’audace ? répondit Lélia, et qui n’en a pas ? Qui est-ce qui aime la vie,