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Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/247

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ne laisserons pas même cette frêle dépouille ! Nous ne surnagerons même pas comme ces herbes flétries qui flottent là tristes et pendantes, semblables à la chevelure d’une femme noyée. La dissolution aura passé sur les cadavres des empires, les débris muets de l’humanité ne seront pas plus que les grains de sable de la mer. Dieu ploiera l’univers comme un vêtement usé qu’on jette au vent, comme un manteau qu’on dépouille parce qu’on n’en veut plus. Alors, Dieu tout seul sera. Alors, peut-être sa gloire et sa puissance éclateront sans voiles. Mais qui les contemplera ? De nouvelles races naîtront-elles sur notre poussière pour voir ou pour deviner celui qui crée et détruit !

— Le monde s’en ira, je le sais, dit Sténio, mais il faudra pour le détruire tant de siècles que le chiffre en est incalculable dans le cerveau des hommes. Non, non, nous n’en sommes pas encore à son agonie. Cette pensée est éclose dans l’ame irritée de quelques scep-