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Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/276

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un épais manteau pour la nuit et quelques hardes, c’est de quoi supporter une semaine ou deux sans trop souffrir de la vie matérielle.

Les premières heures que j’ai passées ainsi m’ont semblé les plus belles de ma vie. À vous je puis tout dire, n’est-ce pas, Trenmor ?

À mesure que Sténio s’éloignait, je sentais le poids de la vie s’alléger sur mes épaules. D’abord sa douleur à me quitter, sa répugnance à me laisser dans ce désert, son effroi, sa soumission, ses larmes sans reproches et ses caresses sans amertume m’avaient fait repentir de ma résolution. Quand il fut en bas du premier versant du Monteverdor, je voulus le rappeler, car sa démarche abattue me déchirait. Et puis je l’aime, vous savez que je l’aime du fond du cœur ; l’affection sainte, pure, vraie, n’est pas morte en moi, vous le savez bien, Trenmor ; car vous aussi, je vous aime. Je ne vous aime pas comme lui. Je n’ai pas pour vous cette sollicitude craintive, tendre, presque puérile,