Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/33

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droit d’être audacieux et de vous demander qui vous êtes, car je le sens intimement, et cette sensation est liée à celle de mon existence, je fais désormais partie de vous, vous vous êtes emparée de moi, à votre insu peut-être ; mais enfin me voilà asservi, je ne m’appartiens plus, mon ame ne peut plus vivre en elle-même ; Dieu et la poésie ne lui suffisent plus ; Dieu et la poésie, c’est vous désormais, et sans vous il n’y a plus de poésie, il n’y a plus de Dieu, il n’y a plus rien.

Dis-moi donc, Lélia, puisque tu veux que je te prenne pour une femme et que je te parle comme à mon égale, dis-moi si tu as la puissance d’aimer, si ton ame est de feu ou de glace, si en me donnant à toi, comme j’ai fait, j’ai traité de ma perte ou de mon salut ; car je ne le sais pas, et je ne regarde pas sans effroi la carrière inconnue où je vais te suivre. Cet avenir est enveloppé de nuages, quelquefois roses et brillans comme ceux qui montent à l’horizon au lever du soleil, quelquefois