Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/70

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des tours de force et à se risquer sur un fil d’archal. Et encore cette comparaison ne vaut rien ! le saltimbanque a sa vanité comme le tragédien, comme l’orateur philanthrope. Le joueur n’en a pas ; il n’est ni admiré, ni applaudi, ni envié. Ses triomphes sont si courts et si hasardés, que ce n’est pas la peine d’en parler. Au contraire, la société le condamne, le vulgaire le méprise, surtout les jours où il a perdu. Tout son charlatanisme consiste à faire bonne contenance, à tomber décemment devant un groupe d’intéressés qui ne le regardent même pas, tant ils ont une autre contention d’esprit qui les absorbe ! Si, dans ses rapides heures de fortune, il trouve quelque plaisir à satisfaire les vulgaires vanités du luxe, c’est un tribut bien court qu’il paie aux faiblesses humaines. Bientôt il va sacrifier sans pitié ces puériles jouissances d’un instant à l’activité dévorante de son ame, à cette fièvre infernale qui ne lui permet pas de vi-