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Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/94

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En ce moment un goëland cendré traversa le lac, et, perdu dans la vapeur, effleura les cheveux humides de Trenmor.

— Encore un ami, dit le forçat, encore un doux souvenir ! Quand je me reposais sur la grève, immobile comme les dalles du port, parfois ces oiseaux voyageurs, me prenant pour une froide statue, s’approchaient de moi et me contemplaient sans effroi : c’étaient les seuls êtres qui n’eussent ni aversion ni mépris à me témoigner. Ceux-là ne comprenaient pas ma misère. Ils ne me la reprochaient pas ; et, quand je faisais un mouvement, ils prenaient leur volée. Ils ne voyaient pas que j’avais une chaîne au pied, que je ne pouvais les poursuivre ; ils ne savaient pas que j’étais un galérien ; ils s’enfuyaient comme ils eussent fait devant un homme !

— Poëte ! dit le jeune homme au forçat, dis-moi où ton ame d’airain a pris la force de supporter les premiers jours d’une semblable existence ?