Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/142

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m’aimant, tu crains d’aliéner ta liberté : tu crains de perdre un bien qui t’a coûté tant de larmes. Mais dis-moi, Lélia, que fais-tu de ce trésor dont tu es si fière ? Depuis que tu as réussi à concentrer en toi-même l’activité dévorante de tes facultés, es-tu plus heureuse ? Depuis que l’humanité n’est plus rien à tes yeux qu’une poussière à qui Dieu permet de s’agiter quelque temps sous tes pieds, la nature est-elle pour toi un plus riche et plus magnifique spectacle ? Depuis que tu t’es retirée des villes, as-tu découvert dans l’herbe des champs, dans la voix des eaux, dans le pas majestueux des fleuves, un charme plus puissant et plus sûr ? La voix mystérieuse des forêts est-elle plus douce à ton oreille ? Depuis que tu as oublié les passions qui nous agitent, as-tu surpris le secret des nuits étoilées ? Converses-tu avec d’invisibles messagers qui te consolent par leurs confidences de notre faiblesse et de notre indignité ? Avoue-le, tu n’es pas heureuse. Tu te