Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/169

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de la volupté chez les tigres, sans l’exercice de la pensée pour en apprécier la valeur, sans les puissances de l’ame pour en remercier Dieu. Aujourd’hui encore, quoique lassée par l’abus de ces puissances et tourmentée d’inquiétudes sans but, ce n’est pas de bonne foi que j’aspire à la possession isolée des facultés de la matière. Je refuserais peut-être la vie insouciante et folle de ma sœur ; car la pensée a aussi ses ivresses, ses extases, ses voluptés célestes, dont une heure vaut toute une jeunesse, toute une vie.

Et si votre menace se réalisait, Sténio ; si le feu du ciel s’éteignait en moi et me livrait au désordre des sens ; si, transformée par le courroux de Dieu au point de perdre l’empire de ma volonté, je me jetais palpitante et pâle de honte dans les bras de ces hommes que mon cœur n’aimerait pas, mais que mes sens convoiteraient… oh ! alors, s’il en était ainsi, rassurez-vous, vous n’auriez pas à rou-