Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/236

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poursuivras en vain le rêve de ta jeunesse ; dans ta course haletante et funeste, tu n’atteindras jamais qu’une ombre, et tu tomberas bientôt épuisée, seule au milieu de la foule de tes remords, affamée au sein de la satiété, décrépite et morte comme Sténio, sans avoir vécu tout un jour.

Après avoir parlé ainsi, il sortit du casino et s’apprêta à rejoindre Trenmor. Mais celui-ci lui frappa sur l’épaule comme il atteignait le bas du perron. Il avait tout vu, tout entendu, par la fenêtre entr’ouverte.

— Sténio, lui dit-il, les larmes que je répandais tout à l’heure étaient une insulte, ma douleur était un blasphême. Vous êtes malheureux et désolé, mais vous êtes, mon fils, plus grand que Lélia, plus expérimenté que Trenmor, plus pur que les saints à qui Dieu ouvre ses bras avec amour.

— Trenmor, dit Sténio avec un dédain profond et un rire amer, je vois bien que vous êtes fou ; ne voyez-vous pas que toute