Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une ame formée pour la même destinée que moi, je m’entourai de subtilités et de ruses dont aucun regard humain n’a jamais su pénétrer le mystère.

» Je m’isolai dans ma jouissance égoïste et secrète ; je refusai de faire participer l’objet de mon étrange amour aux délicatesses et aux plaisirs de ma pensée. Il ignora de quelle affection je l’aimais. Il se crut mon ami et rien de plus. Il se consola du chagrin de n’être que cela, en me croyant incapable de passion pour aucun homme. Mais moi, avare de mon bonheur, je me promis de le savourer avec délices, de n’avoir que Dieu pour confident, de me livrer à toutes les violences de la passion intérieure, tandis que j’en conserverais soigneusement la flamme, à couvert sous les dehors innocens d’une paisible et sainte amitié.

» En effet, j’eus d’abord quelque bonheur à voir heureux et tranquille celui que d’un mot j’aurais pu enivrer et égarer. Lorsqu’il