Page:Sand - L Autre.djvu/38

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toujours, oubliée ; jamais il n’a daigné tracer mon nom dans les lettres qu’il écrit à ma grand’mère.

MAXWELL.

Une seule fois, il y a trois ans, pour l’engager à vous faire religieuse.

HÉLÈNE.

Oui, vous vous souvenez ? C’est l’époque où vous êtes venu vous établir auprès de nous, et vous nous avez dit que j’avais tellement besoin de liberté, qu’enfermée dans un couvent, je mourrais. Ma grand’mère s’est donc refusée à m’y mettre, et depuis ce moment-là, il ne lui a plus écrit, comme s’il était mécontent d’elle. Et elle a souffert pour moi, ma bonne mère ; car, je le devine bien, à présent, c’est pour ne pas me voir, c’est pour ne pas me connaître qu’il n’est jamais revenu ici. Nous savons pourtant qu’il a quitté la marine active, et ne peut plus prétexter les voyages.

MAXWELL.

Et vous vous affectez de son indifférence ? vous craignez son aversion ?

HÉLÈNE.

Un père peut-il haïr ? C’est sa femme qui l’éloigne de moi. Elle croit que c’est son droit ! Elle lui a donné d’autres enfants, des garçons dont il est fier, que j’aurais aimés, moi, si l’on m’eût permis de les connaître. Vous ne les connaissez pas ?

MAXWELL.

Non.

HÉLÈNE.

Vous n’avez pas rencontré mon père ?

MAXWELL, vivement.

Je ne le connais pas.

HÉLÈNE.

Je sais bien ; mais, durant ce dernier séjour que vous venez de faire à Londres, vous auriez pu, par hasard…