Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/141

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— Mais, si le baron me remarque par hasard, il demandera quel est ce butor qui ne s’est pas fait présenter à lui, et qui a eu la gaucherie de ne pas savoir se présenter lui-même ?

— Ne craignez rien, je me charge de tout. D’ailleurs, le baron ne vous verra pas. Il a la vue très-basse, et ne reconnaît les gens qu’à la voix. À la chasse, il porte des besicles, et vise très-juste ; mais, dans le monde, il a la coquetterie de s’en priver. C’est convenu, allez !

Un instant après, Cristiano était mêlé aux groupes de belles demoiselles qui se reposaient dans l’intervalle d’une danse à l’autre. Il s’y introduisit en adressant à mademoiselle Potin, qui se tenait au dernier rang, quelques politesses auxquelles la pauvre fille fut très-sensible. Marguerite le vit avec plaisir se joindre au cercle de jeunes gens qui entourait les chaises de ses compagnes, et en un instant celles-ci surent d’elle qu’il était « un jeune homme de grand mérite, neveu du célèbre avocat Goefle, l’ami intime de sa tante. » Quelques-unes pincèrent les lèvres et trouvèrent mauvais qu’un roturier osât venir leur faire sa cour avec les jeunes officiers de l’indelta[1],

  1. Armée permanente domiciliée à vie dans chaque localité, et dont l’organisation est particulière à la Suède.