Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/229

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se dégriser un peu et à soupçonner que l’animal tranquillement pansé par lui le matin n’était peut-être pas un cheval. Cristiano, qui avait appris la veille, en faisant la récolte de son souper, à quel poltron superstitieux il avait affaire, lui fit, en italien, avec des gestes menaçants, des yeux terribles et une pantomime bizarre, les plus fantastiques menaces dans le cas où il ne respecterait pas son âne comme une divinité mythologique. Ulf, épouvanté, se retira en silence après avoir salué l’âne et son maître, le cerveau plein de réflexions qui ne pouvaient aboutir, et que les spiritueux du soir devaient résoudre en terreurs nouvelles et en imaginations de plus en plus étranges.

— Or donc, dit Cristiano en reprenant sa pipe, son récit et la chaise qu’il chevauchait dans la salle de l’ourse, l’âne de madame Goffredi fut mon premier ami. Je crois que nul âne au monde, pas même le mien, n’eut jamais de si belles oreilles et une si agréable démarche. Ah ! monsieur Goefle, c’est que, la première fois que cette paisible allure et ces deux longues oreilles éveillèrent le sens de l’attention dans ma cervelle engourdie. Je fus en même temps instinctivement frappé d’un des plus beaux spectacles de l’univers. C’était au bord d’un lac : les lacs, vous le voyez, jouent un rôle important dans ma