Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/231

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est-ce là toute la vie ? L’homme n’a-t-il pas un immense besoin de repos, de contemplation sans effort, et de cette rêverie molle et délicieuse que nous appelons chez nous le far niente ? Or, c’est là-bas, sur le Trasimène, qu’on se sent magnifiquement végéter. C’est là que j’ai poussé tout tranquillement et sans crise violente, moi, fétu transporté de je ne sais quelle région inconnue sur ces rives bénies du soleil, sous le clair ombrage des vieux oliviers, et comme baigné incessamment dans un fluide d’or chaud !

« Nous avions (hélas ! je dis nous !) une petite maison de campagne, une villetta, sur le bord d’un ruisseau appelé le Sangidneto, ou ruisseau de Sang, en souvenir, dit-on, du sang versé et ruisselant par la campagne à la fameuse bataille de Trasimène. Nous passions là toute la belle saison dans une oasis de délices champêtres. Les ruisseaux ne charrient plus de cadavres, et les ondes du Sanguineto sont limpides comme le cristal. Pourtant mon brave père adoptif était absorbé par l’unique préoccupation de rechercher des ossements, des médailles et des débris d’armure, que l’on trouve encore en grande quantité, dans l’herbe et les fleurs, sur les rives du lac. Sa femme, qui l’adorait (et elle avait bien raison), l’accompagnait partout, et moi, le gros garçon insouciant, que l’on daignait adorer aussi, je me roulais