Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/259

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de Villareggia avait perdu père et mère ; il n’avait ni sœurs ni tantes. Élevé chez un oncle cardinal, il avait besoin, non d’un gouverneur, il en avait un, mais d’un professeur de langues et de littérature : je fus agréé. Là, ma position devint agréable et même lucrative. Le cardinal était un homme de savoir et d’esprit ; son neveu, âgé de treize ans, était fort bien doué et d’un caractère aimable. Je m’attachai beaucoup à lui, et lui fis faire de rapides progrès, tout en étudiant beaucoup moi-même ; car j’avais un logement à moi, et toutes mes soirées libres pour me livrer au travail. Le cardinal était si content de moi, que, pour me retenir exclusivement et m’empêcher de prendre d’autres élèves, il me rétribuait assez largement.

» Ma conduite fut studieuse et régulière pendant environ un an ; j’avais eu tant de chagrin et je sentais si bien mon isolement dans la société, que je prenais la vie au sérieux peut-être plus qu’elle ne le mérite. J’aurais pu tourner au pédant, si le cardinal ne se fût attaché à me pousser spirituellement et gracieusement à la légèreté et à la corruption du siècle. Il me fit homme du monde, et je ne sais trop si je dois lui en savoir gré. J’en vins peu à peu à perdre beaucoup de temps pour ma toilette, mes amourettes et mes plaisirs. Le palais du prélat était