Page:Sand - L Homme de neige vol 1.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

route de Rome, j’avais tout lieu d’espérer que, grâce à un détour dans les montagnes, je n’avais été signalé et suivi par aucun espion. Je m’arrêtai dans un village pour vendre ma marchandise, car il faut vous dire qu’ayant horreur de mendier et me sentant irrité par les refus au point d’être tenté de battre les gens qui me renvoyaient brutalement, j’avais imaginé de me faire marchand…

— Marchand de quoi donc, dit M. Goefle, puisque vous n’aviez pas une obole ?

— Sans doute ; mais j’avais sur moi, au moment de ma fuite, un canif qui fut mon gagne-pain. Quoique je n’eusse jamais fait de sculpture, je connaissais assez bien les lois du dessin, et, un jour, ayant rencontré sur ma route une roche très-blanche et très-tendre, j’eus l’idée de prendre une douzaine de fragments que je dégrossis sur place, et qu’ensuite je taillai dans mes moments de repos en figurines de madones et d’angelots de la dimension d’un doigt de haut. Cette pierre ou plutôt cette craie étant fort légère, je pus me charger ainsi d’une cinquantaine de ces petits objets que je vendais, en passant dans les fermes et dans les maisons de paysans, pour cinq ou six baïoques pièce. C’était à coup sûr tout ce qu’elles valaient, et, pour moi, c’était du pain.

» Cette industrie m’ayant réussi pendant deux