Malheureusement, il n’en pouvait être ainsi dans l’opinion publique. On est très-attaché, en Suède, à la religion de l’État. On peut compter les dissidents ; on les réprouve et même on les persécute, non pas aussi cruellement que dans les âges moins éclairés, mais encore assez pour rendre leur existence difficile et amère. La loi permet de les exiler.
» Ce fut donc un épouvantable scandale quand on sut ou quand on crut savoir que la baronne, que l’on ne voyait pas très-assidue au prêche de sa paroisse, avait érigé en secret, dans le vieux donjon où nous voici, une chapelle en l’honneur de la vierge Marie, et qu’à défaut d’offices récités par un prêtre de sa religion, elle s’y livrait seule à des pratiques de dévotion particulière, les paysans disaient de sorcellerie. Cependant, comme la baronne ne faisait point de prosélytisme et qu’elle ne parlait jamais de sa religion, on s’apaisa peu à peu. Elle répandit beaucoup de bienfaits, et les grâces de son esprit vainquirent beaucoup de préventions.
» Les jeunes époux étaient fixés à Waldemora depuis environ trois ans, et ils avaient un fils qu’ils aimaient avec idolâtrie. La douceur de la baronne tempérait ce que l’esprit d’indépendance et l’amour de la vérité avaient d’un peu brusque chez son mari ; on s’attachait à eux, on leur rendait justice : servi-