Page:Sand - L Homme de neige vol 2.djvu/179

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un bout de la grande table, vers le milieu de laquelle ils avaient repoussé les mets du déjeuner. Ulphilas vint les renouveler en silence. Il était dans son état habituel d’ivresse semi-lucide, et il eut avec M. Goefle une assez longue dissertation, que n’entendit et n’écouta point Christian, à propos d’une soupe faite avec du lait, de la bière et du sirop, plat national que M. Goefle voulait avoir à son souper, et qu’Ulphilas se vanta de savoir faire aussi bien que personne en Suède. Il désarma, par cette promesse, le courroux de l’avocat, qui lui reprochait d’avoir grisé son petit laquais, reproche auquel Ulphilas jurait ne rien comprendre, et peut-être le jurait-il de bonne foi, lui qui portait les alcools avec tant d’aplomb et de sérénité.

À six heures, Christian avait fini, et M. Goefle n’avait pas travaillé, inquiet, agité ; et Christian, lorsqu’il levait par hasard les yeux vers lui, rencontrait les siens fixes et préoccupés. Pensant que c’était sa manière de travailler, il ne voulut le distraire par aucune réflexion, jusqu’au moment où Christian lui demanda avec un peu d’inquiétude s’il lui plairait de lire le canevas.

— Oui, certes, dit M. Goefle ; mais que ne me le lisez-vous ?

— Impossible, monsieur Goefle. Il faut que je choisisse mes personnages, que je mette un peu d’en-