rien du tout, mais qui me donnèrent quelque considération dans un petit monde d’obscurs et modestes savants. J’eus l’honneur de fournir indirectement des matériaux pour certains articles de l’Encyclopédie, sur les sciences naturelles et sur les antiquités de l’Italie. Un marquis bel esprit me prit pour secrétaire, et m’habilla décemment. Dès lors je fus à flot. Si l’habit n’est pas tout en France, on peut au moins dire que l’apparence d’un homme aisé est indispensable à quiconque ne veut pas rester dans la misère. Alors, grâce à mon marquis et à mon habit, le monde se rouvrit devant moi. C’était là un grand écueil où je risquai encore de me briser. Ne me prenez pas pour un sot si je vous dis que ma personne se fût mieux tirée d’affaire, si elle eût été aussi disgracieuse que celle de votre ami Stangstadius. Un homme bien fait et sans le sou trouve partout, dans le monde d’aujourd’hui, la porte ouverte à la fortune… et à la honte. Quelque prudence que l’on garde, il faut bien rencontrer sous ses pas, à chaque instant, la vorace et industrieuse fourmilière des femmes galantes. Sans le souvenir de ma chaste et fière Sofia, je me serais probablement laissé entraîner dans le labyrinthe de ces animaux insinuants et travailleurs.
» Je triomphai de ce danger ; mais, au bout d’un