Page:Sand - L Homme de neige vol 2.djvu/296

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M. Goefle, pressé par les deux officiers comme par Christian de donner carrière à son imagination. Ce n’est pas ici le lieu de sophistiquer, et je suis en vacances. Je vous dirai tout bonnement que le métier d’amuser les hommes par des fictions est le premier de tous… le premier en date, c’est incontestable : aussitôt que le genre humain a su parler, il a inventé des mythologies, composé des chants et récité des histoires ; le premier au point de vue de l’utilité morale, je le soutiendrais contre l’université et contre Stangstadius lui-même, qui ne croit qu’à ce qu’il touche. L’homme ne profite jamais de l’expérience ; vous aurez beau lui apprendre l’histoire authentique : il repassera sans cesse, de moins en moins, si vous le voulez, mais toujours proportionnellement à son degré de civilisation, dans les mêmes folies et les mêmes fautes. Est-ce que notre propre expérience nous profite à nous-mêmes ? Moi, qui sais fort bien que demain je serai malade pour avoir fait le jeune homme cette nuit, vous voyez que je m’en moque ! Ce n’est donc pas la raison qui gouverne l’homme, c’est l’imagination, c’est le rêve. Or, le rêve, c’est l’art, c’est la poésie, c’est la peinture, la musique, le théâtre… Attendez, messieurs, que je vide mon verre avant de passer à mon second point.