quand il en sort enfin pour faire tête ou pour fuir, on le tire sans danger de derrière les filets où l’on se tient à l’abri de son désespoir. Or, outre que cela manque de piquant et d’imprévu, il arrive fort souvent que les impatients et les maladroits font tout manquer, et que la bête a déguerpi avant qu’on ait pu l’atteindre. Nous allons opérer tout autrement, sans traqueurs, sans vacarme et sans chiens. Je vous dirai ce qu’il y aura à faire, quand nous approcherons du bon moment. Et, croyez-moi, la vraie chasse est comme tous les vrais plaisirs : il n’y faut point de foule. C’est une partie fine qui n’est bonne qu’avec des amis ou des personnes de premier choix.
— J’ai donc, répondit Christian, double remercîment à vous faire de vouloir bien m’associer à ce plaisir intime ; mais expliquez-moi comment vous avez la liberté d’aller tuer le gibier du baron avant lui. Je l’aurais cru plus jaloux de ses prérogatives de chasseur ou de ses droits de propriétaire.
— Aussi n’est-ce pas son gibier que nous allons essayer de tuer. Ses propriétés sont considérables, mais tout le pays n’est pas à lui, Dieu merci ! Voyez ces belles montagnes qui se dressent devant vous : c’est la frontière norvégienne, et, sur les premières assises de ces gigantesques remparts, nous allons trouver un groupe que l’on appelle le Blaakdal. Là