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Page:Sand - L Homme de neige vol 3.djvu/41

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de cascatelles glacées, plongeaient à pic jusqu’au lit du torrent. Les prairies naturelles, inclinées au-dessus de l’abîme, étaient, en beaucoup d’endroits, si rapides, que la neige n’avait pu s’y maintenir contre les rafales, et qu’elles étalaient au soleil leurs nappes vertes légèrement poudrées de givre, brillantes comme des tapis d’émeraudes pâles. Ces restes d’une verdure tendre, victorieuse des frimas, étaient rehaussés par le vert sombre et presque noir des gigantesques pins, pressés et dressés comme des monuments de l’abîme, et tout frangés de girandoles de glace. Ceux qui étaient placés dans les creux où séjournait la neige entassée y étaient ensevelis jusqu’à la moitié de leur fût, et ce fût est quelquefois de cent soixante pieds de haut. Leurs branches, trop chargées de glaçons, pendaient et s’enfonçaient dans la neige, roides comme les arcs-boutants des cathédrales gothiques. À l’horizon, les pics escarpés du Sevenberg dressaient, dans un ciel couleur d’améthyste, leurs crêtes rosées, séjour des glaces éternelles. Il était onze heures du matin environ ; le soleil projetait déjà ses rayons vers les profondeurs bleuâtres qui, à l’arrivée de Christian sur la montagne, étaient encore plongées dans les tons mornes et froids de la nuit. À chaque instant, il les voyait s’animer de lueurs changeantes comme l’opale.