Page:Sand - La Daniella 1.djvu/179

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de Neptune et les ravissantes cascatelles et cascatellines qui s’épanchent plus loin en ruisseaux d’argent sur le flanc de la montagne, on a contraint la plus forte masse des eaux à suivre paisiblement deux magnifiques tunnels situés à peu de distance de l’entonnoir naturel dont je vous ai parlé. C’est de ces tunnels jumeaux que le fleuve se laisse tomber dans son lit inférieur en cataracte tonnante, et cependant avec une effroyable tranquillité. On descend ensuite dans la gorge pour voir d’en bas toutes ces chutes. La gorge est charmante ; elle n’a qu’un défaut : c’est d’être couverte et remplie d’une végétation si splendide, qu’il est presque impossible de trouver un endroit d’où l’on puisse voir l’ensemble de cette corniche si merveilleusement arrosée.

Les ruines de toutes les villas antiques dont les noms sont célèbres ne m’attirèrent nullement. Je suis las des ruines, et, devant la nature, à moins qu’elles ne lui servent d’ornement, comme ce charmant temple de la Sibylle au-dessus du gouffre de Tivoli, ou de la villa de Mécènes, qui couronne les cascatelles, elles me deviennent honteusement indifférentes.

Je passai la nuit dans le plus affreux lit et dans la plus affreuse chambre de l’affreuse auberge de la Sybille, un vrai coupe-gorge d’opéra-comique. Pourtant, je ne fus point assassiné, et les gens de la maison, malgré leur mauvaise mine, me parurent d’excellentes gens.

Le lendemain, malgré la pluie et un commencement de fièvre, je recommençai mes excursions ; mais rien de ce que je vis ne valait pour moi la grotte des Sirènes, et c’est là que je retournai contempler, pendant deux heures, le torrent engouffré dans son puits sans issue. Ce devait être là, certainement, l’antre favori de la fameuse sibylle libertine, lorsque ces abîmes n’étaient accessibles que par des voies mystérieuses, et que les pâles mortels n’en approchaient