— Je n’ai jamais aimé.
— Pourquoi ?…….
— Parce que je n’ai rencontré apparemment aucune femme qui me parût digne d’un amour comme je l’entendais.
— Vous n’avez donc pas cherché ?
— L’amour ne se trouve pas en le cherchant. On le rencontre peut-être au moment où l’on ne s’y attend pas.
— Suis-je celle qui vous paraîtrait digne de l’amour comme vous l’entendez ?
— Comment le savoir ?
— Il y a quinze jours que vous me connaissez !
— Je ne vous connais pas plus que vous ne me connaissez vous-même.
— Vous croyez donc qu’il faut se connaître depuis quinze ans pour s’aimer ? Il y en a qui disent le contraire.
— Vous ne m’avez pas répondu. Qu’entendez-vous par aimer, vous ?
— Être l’un à l’autre.
— Pour combien de temps ?
— Pour tout le temps qu’on s’aime.
— Chacun a sa mesure de fidélité. Je ne connais pas la mienne. Quelle est la vôtre ?
— Je ne la connais pas non plus.
— Ah bah ! vous ne l’avez jamais mise à l’épreuve ? lui dis-je d’un air sérieux.
Et, en moi-même, je pensais : « À d’autres, ma mignonne !»
— Je ne l’ai pas mise à l’épreuve, dit-elle, parce que je n’ai jamais connu l’amour partagé.
— Voyons, soyons amis ; ça ne vous engage à rien, et contez-moi ça.
— La première fois, c’était ici ; j’avais quatorze ans. J’ai aimé… Tartaglia.
— Merci de moi ! j’aurais dû m’en douter !